Libérés de la pétrochimie utilisée dans les parfums traditionnels, les parfums FORATROPIA sont exclusivement composés de matières premières naturelles. A contrario du modèle traditionnel, la marque ose s’affranchir des emballages et sur-emballages jetables. Ici, la valeur du produit est dans la beauté du parfum et la naturalité d’exception. Rencontre avec sa créatrice Karine Torrent.

D’où vous est venue l’idée d’ « ensauvager » le parfum ?

J’avais envie depuis longtemps d’une autre parfumerie, plus libre, plus vivante, plus « vraie ». Une parfumerie dans laquelle on laisserait la parole à la matière. Dans sa beauté nue. Sans essayer de la lisser, ni de gommer ses aspérités, ce qui se fait de manière générale en parfumerie pour ne pas trop « heurter » le nez « non initié ». J’avais justement envie de faire découvrir cette force brute et sauvage des matières naturelles. Forcément « ensauvageante »  car moins « policée ».

J’aime l’idée que, après des décennies de parfums uniformisés, domptés par les tests, les tendances et le « goût » du consommateur, on fasse le chemin inverse et que ce soit les matières qui prennent le pouvoir. Que ce soit aux consommateurs d’apprivoiser les parfums. Pour y trouver une nouvelle émotion.

Prôner le 100% naturel part d’un constat : lequel ?

Cela part du constat que la parfumerie conventionnelle fait beaucoup de bruit autour des naturels qui sont dans leurs parfums, mais en utilise de moins en moins.

A l’inverse, la synthèse prend de plus en plus de place dans les formules, mais il y a une totale omerta sur le fait que cette synthèse est majoritairement dépendante de la pétrochimie. Donc, si on prend un raccourci un peu brutal, on nous fait rêver avec du « naturel » tout en utilisant l’industrie fossile la plus polluante au monde. Il y a contradiction. Si cette chimie organique a fait les beaux jours de la parfumerie moderne et a permis de créer  les grands chefs d’œuvre que l’on connait, je crois que l’on a aujourd’hui le devoir de réfléchir autrement. Au vu des enjeux environnementaux que traversent la planète.

Prôner le 100% naturel, c’est donc une manière de faire transparence et aussi de faire s’interroger sur le devenir et la soutenabilité de ce modèle pétrochimique. Le 100% naturel, c’est un choix artistique et c’est aussi un choix engagé : celui de renoncer à la pétrochimie et d’offrir une alternative belle et plus responsable à la parfumerie conventionnelle.

Quelle est votre définition et la vocation d’une parfumerie 100% naturelle ?

Elle est simple. Aucune matière de synthèse. Pas même 5 % comme cela devient également à la mode.  Chez Floratropia, au-delà de renoncer à la pétrochimie, on fait le choix de faire des parfums qui poussent dans la terre.  Afin d’offrir 100% de débouchés aux filières de plantes à parfum, c’est-à-dire aux producteurs. Sans belles matières, pas de belle parfumerie. Notre philosophie est celle d’une parfumerie connectée au vivant. Et au travail de ces artisans de la terre qui cultivent la beauté du parfum et à qui l’on rend finalement peu honneur. 

Vous affranchir des emballages et sur-emballages jetables est comme un « manifeste » : pourquoi ?

Le concept de Floratropia est parti d’un « devoir d’utopie ». Relier savoir-faire parfumeur et développement durable ; et repenser un modèle pour l’inscrire dans une démarche d’impact positif pour la biodiversité des plantes à parfum. Cela m’a amenée à repenser toutes les étapes de la chaine de valeur pour comprendre comment on peut faire mieux et plus responsable. Et cela passe aussi par oser déconstruire le modèle du packaging (qui génère 70% des déchets de l’industrie cosmétique).

Aujourd’hui, quand on achète un parfum, on achète plus de packaging que de parfum. Des packagings jetables et à usage unique. Avec des composants venus de Chine, et une empreinte environnementale catastrophique. C’est une des grandes incohérences du modèle. La perception de qualité d’un parfum passe par le nombre d’emballages qui le constitue, le poids des flacons, des bouchons… Et la part réservée au parfum en est réduite à la portion congrue. 

A contrario, chez Floratropia, on a voulu remettre le parfum au centre de la valeur du produit. Moins de packaging, plus de parfum.  On se déleste de tout emballage superflu pour se concentrer sur l’essentiel : le parfum. Ce qui nous permet :

1- de réduire les déchets d’emballage et l’empreinte environnementale du produit ;

2- d’offrir en échange une parfumerie naturelle d’exception avec des coûts de concentré jusqu’à 6 fois supérieurs à ceux du marché. C’est un parti pris risqué et radical mais qui a tellement plus de sens.

Comment est né son nom ?

Le nom Floratropia est dérivé du grec ancien tropos, «qui se tourne vers ». Cela parle de l’amour et du tropisme de la marque pour le monde floral. Cela résonne aussi un peu comme « utopia ». Floratropia est une utopie olfactive et une invitation à se tourner vers la beauté du monde floral.

Quels sont les ingrédients naturels que vous affectionnez et pourquoi ?

Ce serait trop long à écrire. En revanche, ce que je peux dire, c’est que la sélection des matières de nos parfums se fait en amont de la création olfactive. Le sourcing est clé dans notre modèle. L’idée est d’offrir un débouché à des matières premières exceptionnelles, de par leurs qualités olfactives ET de par leurs caractère durable/ éthique. Nous sommes transparents sur les matières présentes dans nos parfums et leurs origines.

A titre d’exemple, je peux citer le Santal de Nouvelle Calédonie ou l’Hédychium de Madagascar, qui sont toutes deux des matières issues de partenariats éthiques. Nous travaillons avec Robertet, acteur reconnu dans la profession pour la beauté de son « catalogue » de matières et son engagement auprès des producteurs. Nous reversons aussi 3% des ventes de la marque à l’ONG Noé pour soutenir des actions durables en faveur de la flore à parfum.

En quoi Delphine Thierry a su répondre à vos souhaits ?

La rencontre de Delphine Thierry a été clé dans ce projet. Nos trajectoires, nos aspirations présentes se rejoignent. Elle aussi, à un moment de son parcours, a pris la liberté d’explorer d’autres chemins pour retrouver le sens et le plaisir de son métier. Delphine possède une parfumerie très libre, et une créativité « non formatée », très sensible, très intuitive aussi. A cela s’ajoute un savoir-faire parfumeur et une maîtrise technique du naturel hors-norme, qui lui permettent de composer en 100% naturel avec un très haut degré de qualité et de créativité. Elle avoue d’ailleurs avoir eu besoin de se « re-former » à l’écriture 100% naturelle quand elle s’est installée à son compte. C’est unique. C’est un savoir-faire qui s’est perdu. 

En quoi la parfumerie naturelle est-elle plus laborieuse ?

La parfumerie naturelle est un exercice technique extrêmement complexe auquel les parfumeurs et apprentis-parfumeurs ne sont plus confrontés. Il est plus facile de formuler avec des matières de synthèse qui offrent une palette de notes plus large, des performances techniques plus grandes, un coût moins élevé, et une conformité réglementaire plus aisée à obtenir. Obtenir qualité, créativité et performance en 100% naturel est un défi. Et rares sont les parfumeurs comme Delphine qui peuvent se targuer de composer avec autant de brio et d’aisance en 100 % naturel. 

Comment définissez-vous une « parfumerie responsable » ?

C’est d’abord une parfumerie qui va se poser des questions, et agir pour le changement, quitte à remettre en question des usages ancrés et à prendre des risques. Cette responsabilité sociale et environnementale est déjà à l’œuvre depuis un moment dans les sociétés de composition. Les marques de parfum, quant à elles, sont plus frileuses à casser le moule de l’existant pour embrasser le sujet. Il y a des pas, mais encore petits.

Chez Floratropia, ce modèle de la responsabilité passe par le « care ». Une parfumerie qui « prend soin » de la planète et de l’humain. A chaque étape de cette fabuleuse chaine de valeur entre la nature et l’humain. Sourcing éthique, formulation sans pétrochimie, clean, vegan, flacons rechargeables et emballages minimalisés… on essaye de faire du parfum dans une démarche globale engagée pour le vivant. De la terre au parfum. Et du parfum à la terre.  On est loin d’être parfait, mais on a posé des intentions fortes et on fait au mieux, avec les moyens forcément plus réduits d’une petite marque.

Quels sont vos projets ?

La parfumerie 100% naturelle est encore très déconsidérée dans l’industrie. Parce que soi-disant « limitante » en terme de créativité ou de performance. Moi je crois au contraire, et comme souvent, que de cette contrainte nait la créativité. C’est une question de savoir-faire. Et cela ouvre de nouvelles voies d’expression. J’ai envie de montrer que belle parfumerie peut rimer avec sans pétrochimie. Et d’inspirer à changer de regard sur le parfum.

Et bien sûr, le projet est surtout de faire progresser la marque vers plus d’impact. Il y a plein d’idées et de projets enthousiasmants dans les tiroirs mais il faut pouvoir les financer. Et cela passe notamment par la diffusion de la marque qui en est à ses prémices. La marque est ainsi construite que, plus on se développe, plus notre impact sur l’écosystème du parfum grandit. C’est le principe des « purpose brands ».

Comment voyez-vous l’avenir de la parfumerie ?

De plus en plus durable. Avec de plus en plus de transparence aussi dans les formules. L’open-source en est à ses débuts mais une marque comme J.U.S l’a mis à l’ordre du jour avec beaucoup de sens. 

Les sociétés de composition investissent également de manière importante dans la R&D de molécules plus green, issues de chimies vertes et de biotechnologies telles que la bio-fermentation. Ces innovations vont permettre à l’industrie de se désengager de la pétrochimie.

Vous oeuvrez pour que la belle parfumerie évolue …

Je pense, j’espère aussi, que la belle parfumerie va sortir un peu de sa tour d’ivoire. Le parfum est un domaine où il y a beaucoup de distance entre les marques et le consommateur. A force de grands discours savants, de mots techniques, un peu élitistes, souvent intimidants, cela fait que, bien trop souvent, les gens n’osent pas explorer librement, faire part de leurs perceptions sur un parfum, de peur de dire ou faire une bêtise, de se tromper de façon de faire, de dire. Comme si on touchait à un domaine sacré.  La parfumerie manque beaucoup de liberté, de légèreté. Alors que finalement, le parfum est une aventure personnelle, une histoire de sensibilité et d’émotions. Et c’est très jubilatoire.

Les messages sont aussi en train de changer …

Oui. Chez Floratropia, on essaye d’avoir un discours émotionnel et « sensationnel » du parfum, plus direct. Certaines nouvelles marques indépendantes (Marcelle Dormoy, Sillage, Nolenca) ont aussi commencé à faire bouger les lignes, renouvellent les discours en se libérant de toutes ces pesanteurs. Selon Li Edelkoort, la grande papesse des tendances, nous sommes rentrés dans l’âge de l’amateur. Et j’espère que les amateurs de parfums vont s’approprier et explorer le champ du parfum de manière plus libre, plus décomplexée. 

Votre devise du moment ?!

Let’s change fragrance for good & spread the wild !

 

BIO – Passionnée de création olfactive et de plantes à parfums, Karine Torrent travaille depuis 15 ans sur des postes de marketing & création de marques & produits parfums. Elle acquiert son expérience sur de belles marques au sein des segments grand public (Yves Rocher), sélectif (Puig) et niche (Atkinsons).

Son aspiration à développer des projets à forte empreinte RSE qui viennent concilier désirabilité et performance environnementale, la pousse à se lancer dans l’entrepreneuriat et à créer Floratropia Paris

Retrouvez le portrait de Delphine Thierry ici : https://www.dunmotalautre.com/delphine-thierry-la-nature-a-la-source-des-parfums/

 

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