Par Marina Jung, auteur de « L’ABC du Parfum »
Souvent, lorsque l’on me demande d’expliquer ce que je fais dans la vie, je dis : « mon métier, c’est transmettre mon métier »…
C’était en 2001. Je m’en souviens car notre fille allait naître.
J’avais un peu de temps alors et j’avais décidé d’intégrer l’École du Louvre. Un jour, j’assiste à une conférence qui portait sur la Grèce
antique et plus précisément sur cette période que l’on appelle « les Âges obscurs ».
À un certain moment, l’intervenant marque une pause puis reprend : « …l’effondrement des
royaumes mycéniens s’accompagna de la disparition, pour quatre siècles, de l’écriture ; pendant cette
période, le savoir, les connaissances furent perdues ».
Je mets un temps à comprendre.
Je ressens un poids sur la poitrine… Comment cela ? Qu’est-ce que
cela veut dire ? Ce n’est pas possible ? – Si c’est possible… le rien, l’oubli… pendant quatre siècles.
Cette pression, je la ressens encore quand je vous en parle.
Je compris plus tard la raison de cet émoi ; enfant, mon éducation me donnait peu l’occasion de
m’exprimer ; l’école fut un refuge et un lieu d’épanouissement. J’adorais l’école. La passion de
connaître s’empara de moi. Je passai des heures à apprendre, à « jouer à apprendre ».
Je dus sentir que la liberté, l’indépendance viendrait de l’école, que la connaissance serait la clé…
Vous comprenez pourquoi « la perte du savoir » résonne en moi comme une frayeur ?
L’ignorance est une prison, une aliénation ; la connaissance, ça, c’est la liberté ! C’est pour cela que la
transmission du savoir est si importante pour moi ; elle revêt presque un caractère d’urgence, car
enfin, nous naissons, nous apprenons quelques bribes et puis c’est déjà la fin…
Voilà pour mon engagement dans la formation. Les jeunes, mais pas seulement… les profanes, les
professionnels.
Ensuite, il y eut la parfumerie.
C’est l’enfance aussi. J’étais donc dans l’observation, une forme de silence.
Et vous savez, quand vous délaissez un de vos sens, les autres se développent par
compensation… Parlant peu, beaucoup de mes repères devinrent olfactifs… Jusqu’à l’âge de 12 ans
j’eus la chance de voyager, de vivre à l’étranger ; les Antilles, le Venezuela. Lorsque je revins en
France, le sens de l’olfaction était bel et bien devenu pour moi « le sens de l’imagination ».
Enfin, le carrefour de ces deux grandes « lignes », parfum et transmission, fut la rencontre avec
Dominique (Ropion).
De lui, je reçus deux enfants et beaucoup de formules de parfumerie… De quoi
travailler, souvent seule …
Quelques parfums et je trouvai ma voie ; mon métier serait de
transmettre mon métier… Voilà, il y eut deux éléments, l’amour de la parfumerie et l’amour de la
transmission.
Je suis un relais… Vous savez, comme dans la course… Je passe le témoin. C’est ma vocation, c’est
ça… c’est bien moi. »
Marina JUNG., auteur de « L’abc du parfum ».