Par Etienne Morlon, parfumeur
“Je suis, dit-il, un olfactif, et il n’y a pas d’art qui s’adresse à ce sens. Il n’y a que la vie” A.Camus
Être parfumeur est une leçon de vie.
Comme tout art, la vocation vient d’abord d’une passion, intense et inaltérable, qui se meut progressivement en un apprentissage qui s’avérera être perpétuel. En effet, la mise au point de nouveaux procédés d’extraction, ainsi que le développement de nouvelles molécules synthétiques offre au parfumeur un terrain de jeu sans cesse renouvelé.
Avec un effort s’apparentant à une curiosité ludique, de nouvelles possibilités olfactives s’ouvrent. La routine créative, forme de paresse qui consiste à rester dans la zone de confort, peut ainsi être évitée.
La volonté de ne pas se laisser aller à cette inertie indolente demande une
attention particulière. En effet, la prise de risque, qu’elle soit dans la création olfactive ou dans la vie quotidienne consiste à prendre du recul sur ce qu’on fait, à savoir se remettre en question, afin de rechercher à faire “mieux”.
Faire “mieux”. Il est d’autant plus compliqué de “faire mieux” dans un domaine aussi
subjectif que la parfumerie.
Le parfumeur doit savoir se désintéresser de sa création. Je veux dire par là, qu’il doit s’affranchir de son point de vue, de ses expériences et préférences personnelles. Devenir objectif pour tendre vers un résultat subjectif. Bien entendu, les expériences passées ne sont pas à oublier, elles nourrissent la créativité et l’inspiration de celui-ci, comme tout ce qui relève d’une création sensible.
ll s’agit de trouver l’équilibre, entre raconter une histoire personnelle, intime, et trouver celle que les clients
sauront sentir et s’approprier.
Trouver un certain équilibre donc. Entre connaissances et découvertes, tradition et modernité, vécu personnel et expérience partagée. Puis, une fois cet équilibre atteint, vient le temps de la transmission de tout ce savoir, obtenu au fil des années et expériences, des
réussites ou des échecs.
Mais ce temps m’est encore loin, et il faut savoir ne pas se hâter trop de peur de passer à côté d’un certain vécu rendant plus sage.
Oui, être parfumeur est une véritable leçon de vie ».